Apparemment c’est la saison où on sort François Bayrou des boules à mites! Il se trouve que Bayrou a eu une influence certaine, quoiqu’indirecte, sur la création du «problème mulsulman» au Québec. On remonte donc à 1994, il y a 30 ans, pour la 1ère «crise du hidjab» au Québec…
À la rentrée scolaire de septembre 1994, le directeur de l’école Louis-Riel à Rosemont renvoie chez elle la jeune Émilie Ouimet car sa tenue enfreint le code vestimentaire de l’école: elle porte un hidjab. Ses parents lui trouvent donc très vite un autre établissement. Anodin? Voire banal?
Sûrement pas pour La Presse! Le 9 septembre, le fameux quotidien place l’histoire en première page, et même tout en haut. On y reproduit sans nuances la parole du directeur de l’école qui met dans le même sac hidjab et insignes néo-nazis.
https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2178433
Or en France, deux jours plus tard, le ministre de l’Éducation nationale F. Bayrou décrète, sondage en main, que les «signes religieux ostentatoires» seront interdits en classe. «La volonté nationale sur ce point me paraît trop massive pour être ignorée», dit-il
Bayrou innovait car à ce moment-là, car il n’y avait même pas eu en France de «controverse» médiatisée concernant des élèves musulmanes depuis 1989. Un simple acte démagogique de diversion, donc. Au Québec, les choses ne s’arrêtent pas là…
Suite à l’«affaire» Ouimet, plus de 100 articles sur le sujet du foulard à l’école sont publiés, selon la chercheuse Coryse Ciceri qui a étudié le phénomène. Et principalement dans La Presse et Le Devoir (très peu dans le Journal de Montréal)
https://journals.openedition.org/urmis/379
Un chose cocasse, c’est qu’en 1994, les écoles publiques du Québec n’étaient même pas déconfessionnalisées… On parle donc de laïcité dans les établissements de la Commission des écoles catholiques de Montréal (CECM)!
L’emballement se poursuit jusqu’en avril 1995 et ça dérape à tout va. Émilie Ouimet est aussitôt oubliée mais on débat de hidjab et d’islam au Québec en plaçant en toile de fond les horreurs de la guerre civile en Algérie et du terrorisme dit islamique.
Émission spéciale terrifiante de «Second regard» sur Radio-Canada, série d’articles de Nathalie Petrowski qui se promène voilée et donne ses impressions franchement racistes sur les musulman·e·s de Montréal… débats, opinions, reportages…
https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2179564
C’est à coups d’amalgames et de sensationnalisme que l’élite médiatique québécoise impose donc en 1994/1995 le thème de l’islam vu comme un problème, et même souvent comme une menace.
Et sans doute, ce qui est découvert à ce moment là est que cette islamophobie moderne est un «racisme respectable». Car il n’y a pas de backlash, et ce malgré la grossièreté des propos tenus sur les musulman·e·s.
Cette mini «crise du hidjab» de 1994 est importante car elle augure la «crise des accommodements raisonnables» de 2006 et toutes les paniques identitaires qui se succèdent depuis.
Merci d’avoir lu ce fil, basé sur les recherches faites avec Nik Barry-Shaw dans l’optique d’un livre encore à terminer.