Avec son projet de loi 94, Drainville poursuit son obsession pour les «visages couverts» (obsession partagée avec nombre de médias) et les «signes religieux»(=le hidjab) sous prétexte de laïcité. Il est temps de rappeler encore une fois que la laïcité ce n’est pas ça, pas du tout…
La laïcité c’est même l’opposé des projets comme celui-ci, la loi 21 , et les autres (lois 62, 94 du PLQ, charte des valeurs du PQ). Deux spécialistes, le français Jean Baubérot et et la québécoise Micheline Milot, la définissent comme ceci dans Laïcités sans frontières:
La laïcité est un «mode d’organisation politique visant la protection de la liberté de conscience et l’égalité entre les citoyens» (pas une «valeur», donc). Milot et Baubérot en déduisent 2 finalités et 2 moyens
Finalités: 1. La liberté de conscience et 2. L’égalité entre les citoyen·ne·s. Moyens: 3. Séparation de l’État et de la religion 4. Neutralité de l’État
(1) Un but: la liberté de conscience. Elle inclut la liberté de religion, qui ne peut être reléguée au « for intérieur », évidemment, puisqu’on ne peut empêcher personne de penser de toutes façons. La liberté de «pratiquer chez soi» souvent évoquée, c’est une liberté vide.
Ainsi, cette liberté ne peut être atteinte sans un autre but: (2) l’égalité entre les citoyen·ne·s. On a les mêmes droits peu importe nos croyances ou non-croyances. Chacun·e a sa propre conception de la «vie bonne» mais doit être traité·e également.
(3) Séparation des institutions religieuses et de l’État. Pas un but de la laïcité, mais un moyen de garantir qu’une religion n’est pas favorisée. Moyen nécessaire mais insuffisant (qu’on pense aux anciens régimes soviétiques non religieux qui opprimaient toutes les religions).
(4) Neutralité de l’État: l’idée laïque est que l’État représente l’ensemble du peuple (laós, λαός) et pour ce faire doit se montrer impartial. Donc ne pas favoriser une croyance ou une autre, et renoncer à toute compétence théologique (=pas d’interprétation des croyances)
On voit donc très bien que les lois prohibitionnistes ( loi 21, loi 94 au Québec, lois de 2004 et 2010 en France) vont à l’encontre de tous les principes laïques excepté la séparation État/religion (qui n’est qu’un moyen et qu’elles ne renforcent pas non plus)
Interdire à des femmes musulmanes de travailler parce qu’elles portent un foulard, c’est contraire à la liberté de conscience et à l’égalité. Et interpréter le rôle du hidjab en islam ou décider de ce qui est un signe religieux ou pas va à l’encontre de la neutralité de l’État.
C’est pourquoi Jean Baubérot qualifie ce type de laïcité de «Laïcité falsifiée», une «laïcité identitaire» devenue un prétexte pour la xénophobie et qui est d’ailleurs exploitée par l’extrême droite en France comme ici.
Mais ce n’est pas surprenant de la part de Drainville, déjà « père » de la charte des valeurs du PQ en 2013 qui se base sur des calculs politiciens (la charte des valeurs avait été lancée et nommée ainsi suite à un sondage) et des croyances de type complotiste comme la théorie de l’islamisation: dans cet extrait audio, Drainville approuve les propos d’une auditrice évoquant l’islamisation du monde et du Québec
Le projet de #Loi94 est dangereux et va bien plus loin que d’interdire le visage couvert aux élèves. Il interdit à tout le personnel de l’école de porter des signes religieux et interdit les accommodements religieux pour profs et élèves (nourriture, congés, activités).
Le législateur a de plus eu le culot de faire ajouter un peu partout dans la Loi sur l’instruction publique que « les valeurs démocratiques, les valeurs québécoises, et l’égalité entre les femmes et les hommes » doivent être respectées… tout en utilisant la clause dérogatoire qui vient suspendre des articles de la Charte des droits et libertés de la personne, dont l’article n°3 qui garantit les libertés de conscience et de religion — article laïque s’il en est! Une charte d’ailleurs adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en 1976 (voilà pour la démocratie)
La #loi94, en dépit de son nom, est donc un recul majeur pour la laïcité au Québec et sans aucun doute une insulte à nos « valeurs démocratiques ».